Présentation Angelo Callaghan

Angelo Callaghan
FEAT. NICK VALENTINE - FALLOUT 4
Age : 43 ANS
Métier : INSPECTEUR DE POLICE
Date de naissance : 23.09.76
Region : KANTO
Vit à : NEMERYA
Sexe : HOMME
Groupe : PULSAR

Description :
Perspicace x Profondément bienveillant x Déterminé x Serviable x Affable x Têtu x Cynique x Vieux jeu x Solitaire x Indiscret

S'il fallait décrire Angelo en une phrase, ce serait par celle-ci : Un bon gars déterminé à faire la bonne chose, quitte à en payer les frais.

Ce qui a toujours caractérisé cet homme, c'est son désir profond de faire le bien partout où il le pouvait, d'aider son prochain, de faire ce qui devait être fait pour que les autres puissent s'en sortir. Il semblerait parfois que la flamme de l'optimisme qui brillait dans sa jeunesse se soit éteinte avec le temps - et pourtant d'aucun vous dirait qu'il semble en rester quelques braises, bien cachées au chaud dans le coeur en or de l'inspecteur, attendant le bon moment pour s'embraser ! Vous qui le rencontrez après toutes ces années avez la malchance de découvrir sa bienveillance profonde encrassée par le cynisme d'un homme las de ce qu'il voit. Car Angelo a vu et supporté pas mal de sacrées merdes au cours de sa vie - mais vous avez compris la rengaine, maintenant. Sous l'apparence d'un inspecteur dur quoique poli, aux nerfs d'acier et au sens moral fort, Angelo croit en le rachat de son prochain et à la seconde chance, tout comme il peut se montrer terriblement inflexible dans son désir de vengeance, que cela soit contre ceux qui lui ont fait du tort à lui, ou envers ces personnes dont il se souciait.

Angelo est un homme fidèle envers ses amis, un adversaire implacable contre ses ennemis, et un ami de tout ceux qui sont dans le besoin... Pour peu que vous parveniez à supporter ses mauvais côtés.

Car bon sang qu'Angelo en a. Outre son cynisme notoire, sa tendance à fourrer son nez où il ne devrait pas et son besoin de faire cavalier seul, fruits de longues années de travail au sein de la brigade criminelle, défauts regrettables mais qui seraient néanmoins supportables, l'inspecteur Callaghan possède toute une panoplie de défauts à expérimenter à ses côtés. Que ce soit dû à son métier, son âge, ou tout simplement son caractère, Angelo est un homme têtu, pour ne pas dire carrément borné. S'il a une idée en tête, bon courage pour lui faire changer d'avis ou de direction ! Callaghan marche à l'instinct, se fit à son instinct, et, une fois la piste flairée, compte bien résoudre ses affaires armé de ses bonnes vieilles méthodes... Car oui, Angelo est terriblement vieux jeu. Que ce soit dans ses manières, ses expressions, son visage ou ses goûts vestimentaires, tout sent le ringard et l'ancien temps, déjà vieillot à l'époque, dans lequel Angelo a été forgé – et il va falloir rapidement vous y faire : le vieil homme n'a pas prévu de changer pour deux sous. Après tout, n'est-ce pas comme cela que sa petite femme l'aime ?

Dire que Monsieur et Madame Callaghan s'aiment est un véritable euphémisme ; à chaque fin de journée, vous trouverez toujours Angelo la prothèse sur le combiné, en train d'appeler son épouse pour lui demander comment s'est passée la sienne. Oh, elle n'a pas forcément la conversation la plus intéressante, parfois même ne fait-elle que parler pendant que lui ne prononce mot : mais qu'importe. C'est ainsi qu'Angelo oublie ses journées, ses malheurs et ses pensées embrouillées. Cet appel, frôlant le thérapeutique, lui a parfois été d'une grande utilité : lui permettant de se vider les pensées pour mieux réfléchir à son affaire.

Parlant d'affaire, ne vous étonnez pas de voir un vieil homme en imperméable débarquer dans le but de vous interroger. Parfois aurez-vous l'impression qu'Angelo est ailleurs, que son esprit se perd dans ses réflexions ; parfois même, qu'il n'a fait que vous faire perdre votre temps avec des sôttises, ou qu'il se mêle de ce qui ne le regarde pas. Mais tout est calculé, réfléchit, et, comme on dit, l'inspecteur à ses raisons que le suspect ignore.

Mais penchons-nous un peu du physique maintenant, voulez-vous ?

Angelo Callaghan, 43 ans, à la peau très pale, aux traits tirés et aux yeux dorés cernés par la fatigue, voilà comment nous commencerions par d'écrire notre inspecteur. Pour les plus curieux d'entre vous, nous soulèverions ce fedora de feutre usé afin de découvrir des cheveux courts, ondulés, couleur de poivre et de sel mélangés, dont les pattes descendent en longeant son visage comme un cadre sombre. Pour les plus méticuleux d'entre vous, toujours, nous pourrions encore annoncer que notre homme, de corpulence sec et de taille moyenne, mesure 1m76 pour 70 kilo, mais est-ce vraiment pour ce genre de détails que vous lisez ceci ?
Dans ce cas, pour les plus tatillons d'entre vous, nous ajouterons encore que notre vieil homme à la posture voûtée ne porte pas la barbe, et arbore sur tout son corps des cicatrices diverses et variées récoltées au cours des années, certaines balafrant même son visage aux pommettes saillantes.
Et maintenant, passons aux autres formalités pour arriver au détail croustillant.

Tout ce qui se rapportera au vestimentaire tiendra plus chez cet homme de l'antique cliché que de la dernière mode. Si autrefois, Angelo était l'homme le plus soigné qu'on eu pu trouver dans la brigade, l'inspecteur a finit par accepter l'idée que l'habit ne fait pas le moine. Son fidèle imperméable, aux gigantesques poches dissimulant tournevis et paquet de cigarettes, a été amoureusement recousu à de nombreux endroits ; son pantalon beige est toujours accompagné par une ceinture de cuir, fidèle à son poste depuis des années. Sa chemise blanche, quoique toujours impeccable, n'est pas toujours la plus droite. Son chapeau mou a été usé par le temps, bon comme mauvais, autant que par l'usure. Ses chaussures, en revanche, restent un véritable mystère pour l'humanité tout entière : car c'est la seule chose dont il semble prendre le soin le plus régulier, et ses mocassins de cuir d'une époque révolue sont toujours, chaque soir, parfaitement cirés pour le lendemain. Les habitudes et les manies ont la vie dure, semblerait-il... Malgré tout, Angelo dégage toujours une étrange impression d'élégance de l'ancien temps, de respect de la vieille époque...

Mais il est un autre détail anatomique chez notre brave et vieil inspecteur qu'il serait inconcevable de ne pas citer : son bras droit. Qui remonterait sa manche pourrait découvrir, en dessous du coude droit, une prothèse robotique vieille et abîmée, qu'Angelo s’efforce constamment de réparer et remettre en état, et qui remplace depuis une vingtaine d'années maintenant ce qui autrefois était sa main droite. Amputé durant l'enfance suite à un accident avec un pokemon sauvage, Angelo a su s'habituer à la présence d'une main mécanisée à la place de l'ancienne, si bien qu'il vous avouera avec le sourire ne plus voir la différence depuis des années. Pour compenser ce manque, l'inspecteur s'est forcé à devenir gaucher, puis quand il eu récupéré cette prothèse, ambidextre. Pour palier la vieillesse de ce remplacement robotique, l'homme avait également accepté de prendre des cours de mécanique, histoire de savoir se remonter soi-même quand la situation le demanderait.

Malgré l'age du matériel, Angelo se refuse à en changer ; l'attachement, après toutes ses années, sentimental et habituel...

Histoire :
Et si nous rembobinions ensemble le magnétoscope de la vie de ce brave Angelo, voulez-vous ?

Le jeune Callaghan vit le jour dans la banlieue de Wysteriaville, à Kanto, petite ville qui lui servi de cadre durant toute son enfance et son adolescence. Jeune homme comme un autre parcourant les zones alentours comme tout ceux de son age, Angelo n'était qu'un gamin un peu aventureux à la tête remplie de rêveries, ne sachant trop ce qu'il voulait faire, mais déjà persuadé que cela serait pour la bonne cause.

A l'age de 8 ans, Angelo perdit sa main droite dans un accident impliquant un pokemon sauvage ; désirant aider un rhinocorne sauvage que lui et ses amis avaient repérés, et qui semblait coincé dans un ravin, le jeune homme fut malencontreusement renversé dans une charge qui lui laissa deux côtes brisées et un bras broyé jusqu'au coude, piétiné dans sa fuite par le pokemon emballé. Angelo fut conduit à l'hopital où son bras, ne pouvant être sauvé, dû malencontreusement être amputé.
Si son corps fut à jamais marqué par l'accident, l'esprit d'Angelo n'en garda que très peu de séquelles et encore moins de rancune, et prit la chose comme une plaisanterie qui le poursuivrait toute sa vie. A l'époque, ses parents n'ayant que peu de moyen, c'est d'une prothèse des plus simples qu'il s'arma pour continuer son bout de chemin à travers la vie, loin de se laisser abattre et d'y perdre son sourire, Car mieux valait en rire qu'en pleurer, pas vrai ?

Angelo grandit paisiblement, loin d'incidents majeurs – et désormais résolu à les résoudre.

Car le brave Callaghan était certain d'une chose : il voulait aider son prochain. Quand il atteignit la majorité, le téméraire jeune homme quitta la quiétude de Wysteriaville, qu'il troqua contre la noire grandeur des métropoles.
Il rejoignit l'école de police de Safrania, y fit de son mieux, et ne devint jamais l'homme d'action qu'il rêvait de devenir, grandement handicapé par l'absence de chair en dessous de son coude droit.

Alors, Angelo fit ce qu'il savait fait de mieux : il ne se laissa pas abattre, et se tourna vers la branche qui voulait bien de lui.
Le jeune homme devint inspecteur de police, avide de pouvoir aider son prochain, faire régner la justice, et ne jamais laisser le crime se faire la belle. Et franchement, qui n'aurait pas apprécié le brave Angelo à cette époque, ce jeune inspecteur fraîchement débarqué, avec son petit sourire en coin et son air charmant ? C'est à l'occasion de sa première année dans le service que ses collègues se cotisèrent pour lui offrir ce qu'on faisait de mieux à l'époque en matière de prothèse. C'était métallique, c'était robotique, c'était un peu effrayant, mais c'était là le dernier cri de la technologie et, au moins, Angelo avait pour la première fois l'impression d'avoir véritablement retrouvé sa main – il pouvait même bouger les doigts !

Ce fut également l'année qui vit mourir le jeune, frais, enthousiaste et innocent Angelo, et débutait sa véritable carrière d'inspecteur dans la police de Safrania.

Quand on fait ce genre de métier, voyant défiler la misère humaine et les crimes les plus effroyables les uns que les autres, il devenait alors bien difficile d'empêcher toute cette crasse morale de vous ronger petit à petit. Angelo avait vu certains endroits changer les hommes en véritables monstres ; mais même si ce n'était pas facile de faire les bonnes choses, de jouer les bonnes cartes pour tout ce qui lui semblait si mal, l'inspecteur continuait de croire que tout le monde méritait sa chance.

Au fil des années, ses épaules se firent plus voûtées, son imperméable plus sale, son visage plus sombre. Et même s'il conservait son sourire en coin et une certaine étincelle dans le regard, le cynisme s'était emparé de ses mots et avait fait sienne une grande partie de ses pensées.

Angelo avait roulé sa bosse, et pour faire un peu briller la lumière dans les bas-fonds, il acceptait de sacrifier un peu de la sienne.

A plusieurs occasions, l'inspecteur Callaghan fut envoyé en renfort dans différents commissariats de Kanto, mais également de Johto et, plus rarement, de Hoenn. C'est là-bas qu'il rencontra celle qui allait devenir sa femme, livrant des fleurs dans la chambre d’hôpital où sa dernière affaire l'avait projeté. Rapidement sous le charme, Angelo refusa de quitter la région avant d'être parvenu à séduire cette jeune livreuse de fleurs et, quand il revint à Kanto, c'était la bague au doigt, accompagné par celle qui portait désormais le nom de Madame Callaghan. Une source de lumière était revenue dans sa vie, et en grattant sous la couche de cynisme et de misère, elle était parvenue à trouver une âme charitable et un cœur en or.
Angelo avait alors 32 ans.

Les années filèrent et les enquêtes firent de même. Le dos voûté, les épaules basses, mais le sens de la justice toujours aussi droit, Angelo continua vaillamment sa tâche d'officier de la justice, participant même à des enquêtes sur les différentes menaces terroristes, qu'elles furent de Kanto ou des régions voisines. Avec sa femme, ils tentèrent bien des fois d'avoir des enfants et d'agrandir la famille, en vain. Alors, ne parvenant ni à procréer, ni à adopter, le couple finit par arrêter d'essayer. Madame Callaghan se mit à materner tous les pokemons qu'elle pouvait, et Angelo ne trouva jamais le cœur de la convaincre d'arrêter.

Les années passèrent et le temps creusa son visage. L'inspecteur n'était plus le jeune homme pimpant et flamboyant de ses 20 ans, et malgré tout, Angelo continuait de servir dans un monde qui défilait plus vite qu'il ne parvenait à le suivre... Rattrapé par son accoutrement de fossile, ses expressions de vieux de la vieille et ses méthodes policières archaïques, l'inspecteur à la prothèse métallique continua de servir et d'accomplir un travail aussi juste et excellent qu'il le pouvait, se rendant bien compte des regards que ses jeunes collègues lui lançait. Oh, bien sûr, il était respecté – ne pas le faire, c'était risquer de se prendre une réplique bien acerbe et tout aussi bien méritée ; mais il était... « dépassé », comme certains s'évertuaient à lui dire – et que lui, s'évertuait à envoyer paître.

Il enquêta sur de nombreuses affaires pendant encore plusieurs années, jusqu'à ce que les événements de la Team Mistral ne fassent grand bruit partout dans les différentes régions, et ne soient « réglées ». Angelo n'en cru rien.

Il lui fallut un an pour travailler au corps ses supérieurs hiérarchiques et les convaincre que les choses n'allaient pas s'arrêter là ; et quand les attentats reprirent comme il le pensait, c'est bel et bien un regard de vieux con parfaitement assumé qu'Angelo leur lança.

C'était officiel : il serait détaché pendant un temps au commissariat de Lumiris, afin d'enquêter à leur côté sur l'affaire de la Team Mistral, mais également pour donner un coup de main dans les enquêtes en cours et les différentes rumeurs... Histoire de permettre à ses supérieurs de se débarrasser un peu de lui pendant quelque temps.

L'inspecteur Angelo Callaghan, vieux de la vieille de premier ordre, à la prothèse et à la tchatche d'un ancien temps, attachant, efficace, mais terriblement lourd dans sa poussière et son caractère, venait enfin de poser pied sur l'île de Lumiris...

Pokemon :
De tous les pokémons qu'Angelo aurait pu amener à ses côtés, ce n'est même pas un des siens qui participa à la longue traversée.

Willia n'appartenait pas à l'Inspecteur Callaghan, mais à Madame Callaghan ; et c'est pour cela qu'elle lui confia la créature, afin d'être "un peu avec lui" même de l'autre côté de l'océan. Une initiative touchante de la part de sa femme qu'il accepta, bon gré, mal gré.

Mademoiselle Willia n'était pas une bête de terrain, mais un pokemon domestique, une créature chouchoutée à outrance, une peluche à l'odeur de baie, drapée de noeuds et de rubans aussi soyeux que son pelage. La prunelle des yeux de sa chère et tendre épouse, la princesse de cette dernière.

A vrai dire, lui ne comprend toujours pas ce qu'elle peut lui trouver. Willia est certes gentille, est certes mignonne, mais ne brille clairement pas par son intelligence. Pourtant, Angelo continue de se trimbaler la bestiole, qui ne répond à aucun des noms qu'il peut lui donner : que ce soit Willia, Princesse, ou sale bête.

Une adorable créature inutile, en sommes... Et Angelo vient tout juste de se rendre compte d'une terrible vérité : Willia est un mâle.

“Madame Callaghan”
Dans un soupir, Angelo se laissa choir sur le banc, emmitouflé dans son imperméable pour se protéger du froid. Trouver un parc dans une ville comme celle-ci était déjà un exploit en soi ; trouver un banc vide dans ce dernier tenait désormais du véritable miracle... Et c'est pour cette raison que l'inspecteur se retrouvait en compagnie d'une créature duveteuse et enrobée d'un pelage moelleux : un moumouton. Si le vieil homme s'en était allé à la recherche de solitude, la présence du pokémon ne le dérangeait pas au final, et fermant les yeux pour se reposer quelques instants, profitant du bruit lointain de la ville comme d'une sorte de berceuse, l'inspecteur chercha à trouver un peu de repos.

Mais ses pensées allaient vites et elles se trouvaient désormais bien loin. Le regard fixé sur un point invisible devant lui, Angelo se surprit à prononcer une simple et pourtant terrible vérité.

- Elle me manque.

Surprit par le son de sa propre voix, s'exprimant malgré lui alors qu'il gardait d'habitude ses pensées secrètes, Angelo regarda un instant autour de lui, et croisa le regard du pokémon à ses côtés.

- Qui, tu me demandes ? Bah, laisse moi te raconter, ça nous occupera tous les deux.

Le moumouton ne répondit rien ; cela n'empêcha pas le vieil homme de prendre la parole, perdu dans sa nostalgie.

- J'avais été envoyé à Hoenn pour une affaire – une sale affaire, je t'passerai les détails, mais disons qu'il y avait ce type avec son magmar et ses chaises en métal... Enfin bref, une sale histoire. J'avais fini au travers d'une fenêtre, cette fois-là, et crois moi s'il y a bien une chose pour laquelle le corps humain est pas fait, c'est sauter en urgence du troisième étage.

C'est vrai qu'à bien y repenser, il avait passé une grande partie de sa vie à traîner son corps dans les pires ennuis possibles. Brûlures, coupures, balles, il arborait maintenant une sacrée collection de cicatrices, mais là n'était pas la question du jour. Se tournant vers le moumouton, il reprit.

- Quand on essaye de te dessouder, de manière générale, le résultat est jamais joli joli. J'avais envoyé ce dingue directement au placard mais pour moi c'était l'aller simple direction l'hosto, cloîtré dans une chambre à attendre patiemment que le toubib m'autorise à remarcher. Ça devait déjà faire une semaine et je commençais sérieusement à ne plus savoir quoi faire de mes journées.

- Et puis elle est entrée dans ma chambre un peu par hasard, et j'ai cru au début qu'elle s'était perdue. Ah, elle te dirait que je suis trop sentimental, mais je peux t'assurer que quand on voit cette foutue misère encrasser l'humanité jour après jour, on apprend à reconnaître les anges des gens comme moi ; et je t'assure que c'est un ange que j'ai vu entrer dans cette chambre ce jour-là.

Angelo éclata d'un rire en or, attendrit par ses propres souvenirs.

- Et y'avait cette magnifique tête blonde qui dépassait de derrière cet énorme bouquet de fleurs, cherchant n'importe quel vase où les déposer : et comme elle n'en trouve pas, et qu'elle commence à paniquer, voilà qu'elle me refourgue tout directement dans les bras ! Si t'avais vu son visage passer du soulagement à la réalisation quand elle s'est rendue compte de ce qu'elle venait de faire !

- Et moi, j'ai rien dis. J'aurai pu lui dire qu'elle était magnifique, que ce n'était rien, j'aurai pu lui dire merci ou lui demander quelle étoile avait eu la chance de la voir naître. Mais non, l'imbécile Callaghan entravait que dalle à la situation, les bras chargés de fleurs. La vie est pavée d'occasions perdues, et crois-moi que ce jour là j'ai cru que j'avais fais la plus belle bourde de mon existence. Je m'attendais plus jamais à la revoir, mais tu sais comment on est dans ces cas là ; j'ai commencé à réfléchir à tout ce que j'aurai pu lui dire... Et crois moi que ça fut sacrément utile quand elle revint le lendemain, et le jour suivant. Et les semaines qui suivirent.

L'inspecteur soupira, les lèvres toujours ourlées par un profond et chaleureux sourire.

- J'ai appris des années plus tard qu'elle venait d'ouvrir son commerce et avait dû remplacer en urgence son livreur, ce jour-là, mais que cette excuse lui avait servie pendant des semaines uniquement pour passer me voir.

- Je suis sorti de l'hôpital deux jours plus tôt que les médecins ne l'avaient annoncé, et me suis rendu directement dans la boutique de la petite fleuriste – qui ne s'attendait pas à me voir là, sur deux jambes en état de marche. Même après 12 ans de mariage, elle m'en veut encore de ne pas l'avoir prévenue, car elle avait apparemment prévue de m'accueillir à la sortie sur son 31. J'ai beau lui répéter que son vieux tablier vert lui va à ravir, impossible de lui faire lâcher le morceau.

- Je suis resté plus longtemps que prévu à Hoenn, et nous nous sommes rapidement mariés cette année-là. Rien ne m'aurait fait plus plaisir qu’exaucer ses moindres souhaits et de la couvrir de cadeaux ; et crois-moi qu'elle mériterait les plus beaux joyaux, et pas un inspecteur avec un défaut de fabrication, aussi élégant qu'il fut à l'époque.

Distraitement, le lieutenant tendit sa main de métal en direction de la laine du pokémon, mais se ravisa rapidement ; il n'imaginait pas la difficulté qu'il aurait à ressortir une main mécanisée d'un pareil enchevêtrement de laine.

- J'ai toujours essayé de la rendre heureuse, tu sais. J'avais pas le meilleur salaire, les meilleures connaissances, la meilleure vie ; peu lui importait, elle était prête à vivre avec tout ça. J'aurai aimé sacrifier plus pour elle. Pouvoir combler ce manque qui continue de la tourmenter aujourd'hui. J'aimerai...

Mais sa voix mourut au fond de sa gorge et sa phrase se perdit dans le silence. Dans un craquement d'os fatigués, Angelo se leva, rajustant son chapeau, et dans un sourire jeta un regard empli d'affection au moumouton qui le regardait.

- Mais toi, tu aimerais sûrement que je me taise, pas vrai ? Allez, j'ai encore à faire. Ciao pantin, et merci de m'avoir écouté.

L'inspecteur lui tourna le dos et reprit le cours de sa vie.

Ten Cents a Dance
Angelo saisit la cigarette entre ses doigts et l'éloigna de lui d'un geste machinal. Assis aux côtés du moumouton, il regardait distraitement un groupe de jeunes musiciens qui répétaient, un peu plus loin sur une pelouse, en profitant des quelques rayons qui trahissaient le printemps. La musique était entraînante, il fallait se l'avouer, et bientôt une autre confidence vint à lui échapper.

- J'ai toujours adoré danser.

Comme pour se rattraper, Angelo se pencha légèrement vers le pokemon et recommença à parler.

- Le soucis c'est que je suis plutôt mauvais. Carrément, en fait, alors je continue de faire croire – et depuis tout gamin!- que j'aime pas ça. Au moins, les gens me fichent la paix avec ça, et je conserve encore un peu de crédibilité.

Le moumouton sembla hocher la tête, conscient de la réputation qu'il devait aider à conserver.

- Tu vois quand j'étais plus jeune c'était la coutume d'inviter les nanas à danser – je crois que ça aussi ça s'est perdu, d'ailleurs. A l'époque, tu m'aurais trouvé franchement pas mal : bien coiffé, bien habillé, une belle gueule et pas encore de bague au doigt. Mais peu importe le nombre de soirées où on a pu me pousser à aller – déjà que j'aime pas ça – pas une seule fois j'n'ai invité qui que ce soit à danser. Crois moi que ce n'est pas l'envie qui me manquait mais.

Il haussa les épaules.

- C'est p'être dommage car même seul j'ose pas, et j'ai jamais eu envie de prendre le moindre cours alors que les autres se débrouillaient sans rien. Oh, j'admire ces grands danseurs, toujours, mais moi... J'avais honte, tout simplement. Au fil du temps, j'ai convaincu mon monde que je supportais pas ça, et on m'a foutu la paix.

- Le problème vois-tu c'est que ma femme adore danser. C'est plus fort qu'elle : à chaque fois qu'elle doit travailler, elle allume la radio pour se motiver et fait quelques petits pas de danse par-ci par-là, en faisant le ménage, en préparant des fleurs, en faisant à manger – et elle est merveilleuse ! Elle te ferait briller un jour de pluie.

L'esprit un peu ailleurs et un léger sourire aux lèvres, Angelo écrasa le mégot encore rouge sous le talon de sa chaussure, faisant doucement crisser les gravillons.

- Et tu vois, je crois que dès le début elle avait vu clair en mon jeu. Toujours à essayer de me convaincre de la joindre, borné comme je suis, à essayer de trouver une musique qui me plairait... Entre toi et moi, elle y arrive, parfois.

Mais la honte et la gène rattrapèrent bien vite Angelo, qui s'empressa de reprendre la parole.

- Bon j'suis toujours aussi mauvais et niveau souplesse ça va pas en s'arrangeant – à dire vrai je manque souvent de lui marcher sur les pieds. Mais j'adore ça et ça la rend tellement heureuse ! J'aimerai qu'tu vois ça. Enfin bon.

L'inspecteur regarda sa montre et se releva rapidement, jetant un dernier regard au pokemon moelleux qui lui avait tenu compagnie, lui adressant un sourire complice.

- Ça reste entre toi et moi gamin.

Puis jetant un coup d'oeil au groupe de musique alors qu'il remettait son chapeau, Angelo se murmura comme pour se convaincre lui même, alors qu'il se remettait à marcher.

- J'aime pas danser.

Mais son sourire ne trompait personne.

La Question
Dans un terrible silence, Angelo s'assit. Rien ne semblait pouvoir troubler le mutisme de l'homme, qui une nouvelle fois s'était posé au côté du moumouton. Il fumait, encore, toujours, s'entourant de volutes de fumée grise, son regard perdu dans l'immensité. Son chapeau, pour une fois enlevé, reposait sur ses genoux.
Mais le pokemon à ses côtés semblait de plus en plus gêné par l'absence de parole. Il fixait l'horizon à son tour, cherchant ce qui pouvait bien accaparer l'homme, quelle vision cachée dans ce parc était parvenue à l'éteindre à ce point.

- Faire usage de son arme, c’est c'qu’on souhaite éviter à tout prix.

Le regard de l'inspecteur reposait toujours devant lui, mais le Moumouton venait de tourner son mufle vers son interlocuteur, attendant une suite, un mot, quelque chose.

- Moi j'aime pas ça, les armes à feu. J'ai toujours la mienne, mais c'est le travail qui veut ça.

Reposant le long de son corps, il pouvait sentir le poids du métal, glissé dans son holster. Avec l'habitude, il en venait presque à en oublier sa présence. Jamais les fois où il s'en servait.

- Tu sais, c'est facile de dire "j'aimerais qu'il crève".

Sa voix paraissait effroyablement morne.

- C'est juste que tu t'rends pas compte. De ce que ça fait, de c'que ça te fait vraiment au cours du temps. C'est jamais rien, même si c'est un enfoiré, même si « faut le faire », même si t'as agis pour protéger. On aimerait toujours trouver un autre moyen. J'aimerai toujours trouver un autre moyen.

Mais maintenant que les mots avaient commencé à sortir, lentement, l'abcès se vidait.

- On peut rater sa vie à cause d'un seul mot, d'une seule erreur. Qu'est-ce qui a pu les conduire là, en ce jour précis, à cet instant précis, en face de moi ? Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'un jour deux gars se r'trouvent en face l'un de l'autre et ne trouvent qu'une solution ? Les mauvais choix, souvent. Des bons même, que'que fois. Une famille. Des gens auxquels il tient, des gens qui attendent son retour. T'être même des raisons qu'il croyait juste.

Angelo haussa les épaules. Entouré par la fumée de sa cigarette, il se perdait loin, très loin de ce banc et de son parc. Il ne ressentait rien en mesure de le ramener ici.

- Et puis tu débarques dans sa vie et t'es la dernière gueule qu'il voit, puis plus rien. Direction le Terminus, le Paradis, l'Enfer, le Grand Rien. Il reste plus qu'toi et un bout de métal fumant. Pendant un instant, tu vaux pas mieux qu'lui.

Angelo était devenu policier pour aider les gens, pour résoudre les crimes et traîner en justice ceux qui les causaient. Il n'avait jamais eu vocation à plus, pouvoir faire sourire et espérer, pouvoir aider lui suffisait. Pouvoir apporter du réconfort aux familles, la paix. Les familles...

- Puis la famille débarque. Toujours. Quelque fois, on t'salue, on te pardonne, on t'serre la main et on te remercie pour le service que t'as rendu à tout le monde. Il saisit la cigarette entre ses doigts métalliques, projetant de petits flocons brûlants autour de lui. Mais le plus souvent, ce sont les hurlements, les cris. Les pleurs. Alors ouais, t'as sauvé des vies, c'est sûr, t'as fais ce qu'il fallait. Mais à quel prix ?

L'inspecteur demeura silencieux, et aucun fantôme ne lui répondit. Il resta ainsi un temps, avant que sa cigarette ne se consume seule et que la parole ne lui revienne finalement. Sa voix avait retrouvée quelques couleurs, et pourtant Angelo restait bien terne.

- C'est pas un truc auquel on peut s'habituer. C'est pas un truc auquel on doit s'habituer.

Comme il finissait ses réflexions, le vieil homme se releva, les épaules voûtées face au poids invisible de sa conscience qui le rattrapait. Avec le sourire d'un homme fatigué, Angelo se retourna vers le moumouton.

- Voila gamin. C'était ma dernière histoire. Celle de la Question qu'Elle n'a jamais posé.

Il remit son chapeau d'un geste machinal. Il était beaucoup de choses à Ses yeux, et peut-être même se faisait-il du soucis pour rien. Mais parfois il fallait bien que certaines choses le rattrapent et le hantent. Le cri des familles, par exemple.

- Et d'la Réponse qui me bouffe depuis des années.

Fourrant les mains dans ses poches, l'inspecteur reprit son chemin.

Have Yourself a Merry Little Christmas

Remontant le col de son costume pour se protéger du mauvais temps, l'inspecteur accéléra le pas, luttant contre les épais flocons qui s'abattaient sur lui, masquant sa vision et rendant glissante la rue dans laquelle il avançait. Il marchait vite, la tête rentrée entre les épaules malgré l'élégant chapeau qui la recouvrait ; derrière lui, trottant fidèlement à sa suite, son medhyena refusait de se laisser distancer.

La ville, bercée de mille et une lumières alors qu'elle reposait tranquillement dans son écrin d'obscurité, fourmillait de gens armés de paquets ou fuyant le froid de la tempête de neige qui s'annonçait. Décembre venait seulement de commencer que déjà Safrania toute entière paraissait à la veille de Noël... Et pourtant aux yeux des Callaghan ce mois fatidique faisait écho à un échec terrible dont le fantôme continuait de hanter leurs souvenirs et leurs sourires. L'inspecteur était parvenu à passer outre ; mais sa femme... Il l'avait surprise en pleurs, ce matin là, n'avait pas eu besoin de mots pour comprendre pourquoi ; et l'enlaçant silencieusement alors, l'avait tendrement et lentement éloignée du berceau vide.

Décembre...
Cela aurait dû être le plus beau mois de cette année, un des plus beaux de leur vie et celui auquel son épouse et lui se raccrochaient après tant d'échecs... Et puis une nouvelle fois, Angelo et sa femme avaient fait l'erreur d'y croire, l'erreur de penser que le vœu qu'ils avaient formulé allait finalement s'exaucer.
Depuis des mois, le jeune inspecteur et sa femme essayaient de se remettre d'une blessure lancinante qui guérissait bien mal. Il avait cru la plaie refermée qu'en bien même celle-ci continuait d'attirer leur regard, avait pensé que l'état de son épouse s'était finalement arrangé... Et la trouvant en larmes dans la chambre qu'il avait lui-même pris grand soin de déserter autant que cela se pouvait, Angelo avait compris qu'il était des blessures dont on ne guérissait jamais vraiment et que celle-ci en faisait, pour Elle, probablement partie...
Décembre...

Prisonnier de ses pensées et de ses regrets alors qu'il avançait, Angelo tâchait de regagner le quartier où lui et sa femme habitaient, évitant les passants alors qu'il paraissait ailleurs, ignorant la neige qui s'amassait sur son chapeau et son costume noir.

Il y eu quelques remous dans le tissu qui couvrait sa poitrine, attirant son attention alors qu'il gardait son bras serré contre son torse. Enfermé dans le veston, remuant pour se dégager et soulevant la cravate de l'homme par la même occasion, on vit sortir du col d'Angelo deux oreilles roses, puis une bouille adorable ; et dans un petit éternuement, le jeune skitty, un joli ruban autour du cou, extirpa sa tête vers l'extérieur en observant le monde d'un regard curieux et enfantin.

- Rentre ta caboche là d'dans j't'ai déjà dis qu't'allais choper froid.

La petite créature leva le museau pour l'observer ; et la tête à l'envers alors qu'il ronronnait de toute la force de sa petite taille, le Skitty se contenta de fixer l'homme qui le portait, à nouveau immobile contre lui.

- Oh j'sens qu'tu vas pas être l'plus simple à gérer toi...

Et laissant le pokemon observer les alentours, Angelo continua sa route, ombre noire glissant sous la chaleureuse lumière que projetaient la vitrine des boutiques qu'il dépassait. Les rues avaient commencées à s'élargir, les passants à se faire moins nombreux ; et quittant l'avenue marchande qu'il avait traversé, l'homme au chapeau s'engagea dans la rue faiblement éclairée qui menait aux habitations du quartier.

Ils cheminèrent ainsi quelques temps, silencieux et pensifs, jetant parfois des regards aux bonhommes de neige qui avaient commencés à apparaître dans les jardins des maisons. Il neigeait sans discontinuer depuis deux jours, maintenant, la rue se peuplant d'enfants de tout age, les yeux emplis d'étoiles alors qu'ils profitaient des flocons et de la saison ; des enfants...

- J'pense qu'elle va t'appeler Camille. Que'que chose dans c'genre là. Elle a toujours plein d'idées pour choisir les prénoms.

Le pokemon releva la tête pour observer son porteur.

- C'est comme ça qu'elle aurait dû s'app'ler.

Le silence les recouvrit à nouveau pendant de longues minutes durant lesquelles Angelo demeura pensif.

- Et elle aurait dû naître dans quelques jours, normal'ment. J'croyais qu'avec le temps l'idée nous pass'rait... Il soupira. Tu sais j'crois pas qu'Elle arriv'ra un jour à s'en r'mettre.

Contre lui, le skitty demeurait blottit et silencieux, attentif à une histoire dont il ne comprenait pas les mots mais dont il ressentait l'importance et la peine. La voix grave de l'homme reprit, traînante.

- C'est pour ça qu'j'suis allé t'chercher chez l'él'veur. Tu remplacera pas c'qu'on a perdu, c'est sûr, mais... Il caressa la frimousse rose. On parviendra bien à t'trouver une place...

Derrière eux, Gévaudan éternua, prenant les devant du groupe alors qu'ils s'approchaient du domicile des Callaghan et du portail. Le jardin avait disparu sous une épaisse couche de neige ; les deux étages brillaient doucement dans l'obscurité hivernale, décorés de guirlandes colorées serpentant le long des fenêtres et des angles dans l'espoir d'égayer un peu la maisonnée. Le premier étage semblait plongé dans le noir ; par la fenêtre du salon, Angelo percevait les lumières de la salle à manger où Elle l'attendait probablement... Sortant le pokemon pour le garder assis dans ses bras, rajustant le ruban et montant les quelques marches qui le séparaient de l'entrée, Angelo poussa un soupir pour se donner du courage et frappa à la porte.

- J'compte sur toi...

Can I Steal A Little Love ?



Il faisait chaud, ce jour-là, si bien que sous le grand soleil qui les couvraient la région d'Hoenn et tout particulièrement cette petite ville semblaient plongées dans une douce somnolence. Les fenêtres des maisons, grandes ouvertes sur les habitations, aspiraient avidement les courants d'air frais qui couraient dans les rues, se glissant entre les passants et vacanciers, se faufilant parfois comme quelques visiteurs curieux dans les boutiques dont les portes ouvertes tel une invitation tâchaient de faire entrer un peu de fraîcheur dans cette éclatante journée d'été.

Se glissant dans ses cheveux comme la main de quelque amant un peu entreprenant, un courant d'air vint souffler sur la jeune vendeuse qui recoiffa rapidement ses cheveux blonds entre ses doigts. Azalée, anémone, quelques dahlias et des brins de pivoine ; délicatement, la dame noua les fleurs entre elles avec élégance, ébouriffant un instant les pétales du bout des doigts avant de déposer le bouquet dans un des vases qui attendaient sur le comptoir. La boutique se portait bien, la vendeuse ne chômait pas ; et pourtant ! Elle n'avait pas la tête aux fleurs et aux bouquets, pas la tête à réfléchir aux commandes sur lesquelles elle essayait en vain de se pencher depuis ce matin. Ses compositions tournaient autour de thèmes qu'elle ne parvenaient plus à contrôler et cela malgré ses efforts ; elle se sentait des envies de profiter de ce beau temps et de s'échapper dans les rues pour s'y promener, seule... ou accompagnée.

Esquissant un pas d'un côté, puis de l'autre, calant distraitement ses pas sur la musique que diffusait alors la petite radio bleue derrière le comptoir, la jeune femme se glissa devant celui-ci en serrant contre elle le cavalier improvisé de sa danse, déposant l’œuvre florale sur une des étagères avant de se retourner vers le rosélia.

- Tout va bien de ton coté ?

Vadrouillant au milieu des fleurs qu'elle arrosait doucement, la petite plante se contenta de lui répondre d'un rire élégant, suivant du regard sa maîtresse qui dans un soupir avait regagné sa place. Les mains dans les poches de son vieux tablier vert, elle contemplait la liste des commandes en réfléchissant aux futures compositions, chantonnant doucement l’entraînante musique qui se diffusait dans la boutique. La jeune fleuriste se perdait dans ses pensées, y errant avec un sourire en arpentant ses rêves ensoleillés.

- Ancolie, colchique... Oh non j'n'ai vraiment pas la tête à ça !

- Et pourquoi donc ?

Le regard courant sur la liste et l'esprit encore en vadrouille, la fleuriste répondit distraitement.

- C'est un bouquet si triste !

- Voyons, comme si vous pouviez rendre que'que chose triste !

Ce fut le rire qui accompagnait cette voix qui sortit la jeune femme de ses pensées avec une réalisation soudaine ; et relevant brusquement la tête alors qu'elle écarquillait les yeux, la fleuriste ne pu que constater la familière silhouette sombre qui se trouvait sur le pas de la porte... Alors... Alors la jeune femme ne contrôla plus rien. Sa voix se cassa presque sous la surprise alors qu'elle en oubliait même le vouvoiement.

- Mais qu'est-ce que tu fais ici ?!

Ce fut un nouveau rire en or qui lui répondit, et sentant monter le rouge à ses joues la fleuriste hésita presque à se cacher derrière le comptoir dont elle sortait alors, gonflant doucement ses joues entre mécontentement, gêne, joie profonde et une légère bouderie.

- Je croyais que tu en avais encore pour deux jours !

L'homme dans l'encadrement de la porte s'avança dans sa direction, boitant encore sous la pression de l'attelle accrochée à sa jambe droite. Son visage était strié d'un ravissant sourire alors qu'elle y perdait le regard, constatant à la lueur dans ces yeux d'or à quel point il semblait fier de son apparition surprise.

- Les toubibs m'ont relâché c'matin-même ; ils me l'ont dit hier dans l'après-midi.

Ne sachant où réellement se mettre alors qu'elle s'immobilisait devant lui, la fleuriste le fixa un instant, les joues toujours délicatement rosées alors qu'elle se rendait compte de ce qu'il avouait là.

- Alors tu... Tu étais au courant ! Et tu ne m'as rien dis !

Elle était bien incapable de paraître furieuse.

- Mais j'voulais te faire une surprise !

Suivant l'exemple de la jeune femme, le visiteur abandonnait petit à petit la barrière des pronoms qui les séparaient.

- Mais moi aussi figure toi !

Alors se rendit-elle compte de la situation, fixant l'homme qui lui faisait face. Il avait prit soin de faire repasser sa tenue, avait noué sa cravate avec soin, sentait l'eau de Cologne et même les cheveux qui apparaissaient sous l'élégant chapeau qu'il portait étaient soignés au même titre que son visage rasé de près. L'homme avait parfaitement préparé son coup ; et même l'attelle disgracieuse accrochée à son genou droit n'atténuait pas l'éclat de ses chaussures cirées. Il paraissait étrangement vieux jeu malgré son âge ; mais la fleuriste trouvait dans son élégance quelque chose de charismatique... Peut-être autant que dans ce visage qu'elle avait fini par s'avouer trouver fort beau. Rapidement, elle passa à l'admiration, puis la timidité, puis l'affection et soudainement, la réalisation d'une terrible gêne. Se soustrayant à la contemplation de son visiteur, la dame jeta un regard paniqué à ses propres vêtements : son tablier vert, noué à sa taille, couvert d'épines et de traces d'usure, recouvrait presque entièrement sa menue silhouette. A force de se passer la main dans les cheveux et se décoiffer à chaque courant d'air, sa coupe ne ressemblait plus du tout à ce qu'elle espérait, et même son léger maquillage habituel ne parvenait pas à ses yeux à sauver la catastrophe qu'elle n'imaginait pourtant pas incarner jusqu'alors...

- Oh je ne ressemble à rien en plus !

- Mais non voyons tu es absolument ravissante !

La chaleur dans la voix de l'homme accentua sa gêne, alors qu'elle passait désespérément sa main dans sa mèche blonde dans l'espoir de la domestiquer à nouveau. La totalité de son plan venait brusquement de tomber à l'eau, les idées qu'elle avait eu, cette surprise qu'elle préparait en cachette alors qu'elle s'apprêtait à accueillir l'homme à sa sortie de l’hôpital ; victime elle-même d'une surprise qu'elle n'avait pas vu venir, la fleuriste était dans son mécontentement profondément touchée et heureuse de la situation... Ne sachant réellement que dire ni même où se mettre face à cette rencontre qu'elle attendait avec impatience et craignait tout autant. Fébrilement, la dame dénoua son tablier avec une naturelle élégance, essayant d'éviter de croiser le regard de l'homme qui ne la quittait pas.

- J'suis navré, je pensais pas que tu le prendrais comme ça... Si y'a quoi qu'ce soit que je puisse faire pour me faire pardonner...

La fleuriste n'hésita pas un seul instant pour bondir sur l'invitation à peine dissimulée. Elle lui en voulait toujours pour tout ceci et l'état dans lequel il la voyait ; pas assez cependant pour faire une croix sur cette journée...

- En bas de la rue.

- Hm ?

Repliant le tablier sur son bras pour dévoiler une chemise blanche et une longue jupe corail, la dame leva le regard dans celui de l'homme au chapeau ; il lui sembla alors que c'était à son tour de rougir malgré lui – à moins qu'il n’eut simplement trop souffert du soleil ?

- Il y a un glacier en bas de la rue.

- … Un glacier ?

- Tu verras, c'est charmant et délicieux.

Et se détournant de lui, la jeune femme blonde s'en alla déposer le tablier sur le comptoir, s'emparant des clefs avec une certaine impatience alors qu'elle essayait d'improviser au mieux une journée imprévue comme celle-ci.

- S'il n'y avait que lui...

Alors qu'elle se retournait, la fleuriste ne pu retenir un sourire terriblement flatté et heureux.

- Je te demande pardon ?

Pour toute réponse, l'homme soudainement silencieux et fort coloré se contenta de lui tendre le bras, l'invitant à s'en saisir alors que le rosélia les suivait doucement. Elle ferma la porte derrière eux, glissa les clefs dans la poche de sa jupe et, s'accrochant au bras de l'élégant qui boitait toujours, s'avança doucement dans la rue en sa compagnie, complètement ignorante de la nappe de chaleur ou du soleil qui cognait trop fort.

- Mais dis-moi, tu n'étais pas sensé avoir une béquille à ta sortie ?

L'homme sembla s'effacer un instant sous l'ombre de son chapeau, essayant d'atténuer le trouble de sa démarche; et armée d'un sourire amusé autant qu'enjoué, l'amoureuse compris alors qu'elle tenait là sa petite vengeance.

- Eh bien si mais... Il marqua un silence. Ça n'faisait pas très élégant.

- Mais non voyons, tu es absolument ravissant.

Le regard que l'homme lui lança emporta au loin son mécontentement ; et s'accrochant au bras de son cavalier, la femme laissa échapper un petit rire.